Rubrique Blabla & Cie

Au tournant d’une horizontalité qui n’a rien de sexuel

Pour beaucoup l’horizontalité est le support général par lequel la sexualité de deux personnes va pouvoir s’exprimer. Ainsi, même si vous avez débuté les prémices à un copier/coller pouvant ressembler par certains côtés à une oeuvre déstructurée de Christo, vous aurez plutôt tendance à vous retrouver au final sur un plan horizontal, permettant de mieux apprécier le moment. Il en est ainsi de ces respirations où le bonheur sexuel prime sur toute autre chose, donnant ainsi du plaisir à votre vie. Cette respiration étant suivant la personnalité de chacun d’entre nous mais aussi son parcours de vie, un moment de bonheur partagé ou simplement une question d’hygiène de vie tarifée ou non.
Mais si l’horizontalité était aussi autre chose ? Une sorte de souffrance subie pour un temps appelé X sans jeu de mot. Une sorte de plan fixe se jouant à partir d’un lit dont les seules limites sont la longueur de ses bras et jambes.


Voilà donc ce que je subis, car il n’existe pas d’autres termes pour moi, depuis le 8 mai dernier, date à laquelle j’ai été accidenté par un véhicule dont la conductrice n’avait pas respecté la priorité. Non pas paralysé, mais immobilisé car ne pouvant plus bouger à cause de multiples fractures dont un certain nombre au bassin.
Ne plus bouger et subir une souffrance qui vous submerge au moindre mouvement. Ne plus bouger et accepter son état avec cette colère qui vous envahit comme cette douleur qui ne vous quitte plus. Accepter peu à peu ce que l’on est devenu, avec quand même la peur de mourir. Accepter aussi cette souffrance qui vous paralyse et la refouler pour un temps par la prise d’opiacé. L’oublier même cinq minutes et me voilà redevenu un îlot de souffrance où le moindre déplacement bloque votre respiration tellement la douleur est intense.
Seul moment d’éclaircie dans ces jours qui vous brûlent, le gant humide qui vient rafraichir doucement votre corps. La caresse vous ramène à votre enfance et vous retrouvez pour quelques instants, le geste d’amour de votre mère quand elle vous lavait. Le mouvement est là avec presque cette tendresse qui l’habitait mais si vous bougez la douleur vous ramène au moment présent.


Ne rien faire, ne rien bouger, ne rien toucher sauf son corps à la recherche des lieux où la douleur explose. Ainsi la comprendre pour mieux la contrôler et pouvoir de nouveau respirer sans crainte. C’est un combat de tous les instants qui épuise le corps comme l’esprit. Capituler enfin devant plus fort que soi et suivre à la lettre les posologies comme les directives de ceux qui vous soignent.
Il s’agit aussi de s’établir des règles, afin d’accepter sa nouvelle vie, appelée à durer mais aussi trouver le bonheur dans un rayon de soleil, le sourire d’une aide-soignante ou simplement le goût d’un plat qui vous rappelle des souvenirs heureux. S’instaurer aussi une certaine hygiène de vie en suivant les conseils d’une diététicienne pour des repas plus équilibrés.


Nouvelle vie pour soi, mais aussi pour vos proches. D’un seul coup, vous existez toujours mais vous n’êtes plus là. Une absence forcée mais qui pour eux aussi fait souffrir. Vous n’allez pas mourir, loin de là, mais vous êtes parti pour un certain temps. Et puis, malgré l’absence qui se fait sentir, il faut continuer à vivre de son côté afin de donner à celui qui n’est plus là, le sentiment que l’on y arrive. Et ainsi, quand on l’approche, le touche des doigts, avec une infinie délicatesse, sans savoir ce qu’il ressent en lui, on doit montrer que l’on est fort, que l’on ne pleure pas la nuit ou même que la peur ne vous habite pas vous aussi. Alors, on lui apporte des petits riens, des babioles, on l’écoute, on anticipe ses désirs, ses souffrances aussi et cela vous tient réveillé la nuit.
Grâce aux outils modernes de communication, on l’appelle le matin, le soir, afin de sonder son moral. On le soutient comme on peut, on cherche les mots qui peuvent le faire rire. On lui raconte la vie sans lui. Ce qui hier était banal, devient important. On cherche à retrouver ses odeurs, ses manies, ses pas dans ce qui est devenu une habitation bien trop grande. Et puis on oublie parfois de se regarder dans la glace car sa présence nous manque. Même son ombre ne peux même pas nous protéger. Les jours passent dans une monotonie installée dans ce qui est et risque de ne plus être comme hier.
On a peur nous aussi. On devient fataliste, s’accrochant à des riens, dans une sorte de brume de l’esprit. Mais on se bat, avec nous-même, avec aussi les administrations qui oublient qu’aujourd’hui le courrier postal existe encore. On se bat avec des interlocuteurs tatillons qui veulent telle ou telle pièce déjà envoyée deux ou trois fois. Tout est un combat sans fin où il s’agit de défendre son bon droit. On se fatigue deux fois plus vite. On souffre, mais d’une douleur autre que la sienne. On sait qu’elle n’est rien par rapport à ce que nous devinons, mais n’osons pas en parler. On respire doucement, comme si cela allait réveiller en nous des douleurs réelles venant d’un crabe qui profitant d’un moment de faiblesse viendrait nous manger. Notre destin est son destin comme le sien est le notre.

A suivre.....



Par laurent, publié le jeudi 16 juin 2016
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